LAPENTY

Publié le par canton-saint-hilaire du Harcouet

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Dans un canton de Saint-Hilaire qui n'existait pas sous l'Ancien Régime, les paroisses étaient tiraillées en trois blocs : le premier, composé des Loges-Marchis, Saint-Brice-de-Landelles et Saint-Martin-de-Landelles, faisait partie du Terregatte, c’est-à-dire qu’il dépendait pour le religieux du doyenné de Saint-Hilaire, mais pour le civil de l’élection d’Avranches, et pour le militaire de Saint-James. Le second avec Chèvreville, le Mesnillard et Virey dépendait du doyenné de Mortain et était, pour tout le reste, directement rattaché au domaine des comtes de Mortain. Enfin, l’abbaye de Savigny, soit qu’elle y possédait des terres ou qu’elle y nommait directement les curés, était très implantée sur Moulines, Martigny et Milly. Parigny, de son côté était un peu à part, car c’était la paroisse originelle de Saint-Hilaire (ville nouvelle de création ducale) avec la particularité d’avoir deux curés suite à un accord pour satisfaire à la fois Savigny et les comtes de Mortain puis deux fiefs partagés entre ces derniers et les barons des Biards. Saint-Hilaire était loin d’avoir, à cette époque reculée, son statut de ville au carrefour des " Trois Provinces ", développée surtout au XIXe siècle quand repartirent, après la Révolution, foires et marchés.

Lapenty de son côté, tout comme Moulines, relevait du doyenné du Teilleul pour le religieux et de la sergenterie d'Ouessey, du fait aussi de sa proximité avec Saint-Symphorien et ses familles nobles comme les de Vauborel qui y avaient des terres aux deux endroits. C'est une des raisons pour lesquelles la commune de Lapenty s'étend jusqu'au carrefour du bourg de Saint-Symphorien. C'est ainsi que la célèbre chaumière à l'entrée du parc de Saint-Symphorien, communs et ensemble de bâtiments situés le long de la RN 176 (construits avant la guerre de 1914) sont sur le territoire de la commune de Lapenty.

Développée comme toutes les autres paroisses du Mortainais autour de l'An Mil, "l'Appenty," "La Panty", "l'Appentils", dominée par l'église Saint-Ouen, avait été donnée après Hastings à Raoul de Fougères en 1066 par Guillaume le Conquérant pour son aide dans la Conquête. Mais elle fut rétrocédée ensuite à d'autres seigneurs qui en prirent le nom, surtout via de nombreuses donations, lors des débuts en fanfare de l'abbaye de Savigny, laquelle prit vite le contrôle de la cure.

Il y avait deux gros fiefs : l'Aumône ou fief du bourg, là où l'église fut construite, dominé par les religieux de Savigny. Même si quelques nobles locaux (les de la Bazoge en 1401), les de Vauborel, les Fortin, les de Juvigny pouvaient s'en réclamer, leurs droits n'étaient qu'honorifiques et dans la seule mesure où les moines le permettaient. Ce fief fit partie, en 1690 du comté formé avec Buais et Saint-Symphorien sous l'égide des de Vauborel. Son siège était au logis dit des Cours dont la chapelle Sainte-Catherine passait pour avoir été, au début, l'église primitive ; elle fut desservie jusqu'à la Révolution. Le second, au manoir de la Cocherie appartint aux Avenel, aux du Hamel, étant lui aussi desservi par une chapelle privée sous le patronage de la Sainte-Vierge. Il dominait le sous-fief de la Fosse aux du Hamel où l'on notait des aînesses au Bois-Léger (gros hameau d'une centaine d'habitants, touchant Saint-Symphorien), la Fosse, la Carbonnière.

 

Les Basses-Cours : une des plus anciennes maisons médiévales

du Sud-Manche

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Discrète, au détour d'un virage, seule peut-être, une belle fenêtre anciennement à meneaux attirera l'œil du spécialiste qui pourra croire aux vestiges d'une vieille chapelle et passera sans doute son chemin. Mais qu'on ne s'y trompe pas, cette " Basse-Cour ", évoque un passé ancien et remarquable qui saute aux yeux, dès que l'on franchit le portail. C'est un logis ancien du XIVe-XVe siècle dont un plan du XVIIIe siècle nous retrace l'ancienne noblesse : puits au centre, boulangerie, pressoir, four et colombier, droits de garenne, de moute et de moulin foulier, à la tête d'une trentaine d'aînesses dans le voisinage. La chapelle Sainte-Catherine dont on remarque encore quelques pierres à l'angle de la propriété passait même, selon la tradition, comme ayant été l'église primitive de Lapenty.

Cette Basse-Cour faisant pendant, mais dans une proportion moindre à la Haute-Cour, deux fiefs divisés pendant 300 ans, mais qui finirent par être unis aux seigneuries de Saint-Symphorien et Buais en 1663 par les de Vauborel. Par contre, ce petit fief avait l'avantage de posséder le patronage de la paroisse de Lapenty.

Mais revenons au bâtiment, sans doute construit par Colin de la Mazure, gendre de Guillaume sieur des Loges entre 1378 et 1401. C'est un bel exemple de ce que devaient être les bâtiments seigneuriaux, non encore défensifs à l'issue de la Guerre de Cent Ans. Malgré le ruisseau du Bahan proche, il ne semble pas avoir possédé de douves, se repliant sur une cour fermée..Le bâtiment à deux étages possédait sans doute, vu la cheminée massive, une cuisine au rez de chaussée et au-dessus une grande salle ouverte sous une charpente dont l'allure évoque le XIVe siècle. Cette grande salle qu'on peut dire d'honneur, était éclairée côté cour par deux jolies baies trilobées certainement ornées de vitraux. L'accès s'en faisait par un escalier extérieur aujourd'hui malheureusement disparu. Mais ce qui frappe surtout à l'intérieur, c'est sa cheminée monumentale d'une exécution soignée, couronnée d'un bel arc de décharge pour soulager le linteau. On imagine sans peine cette salle parée de tapisserie et meublée de coffres en bois et autres sièges massifs. Le bâtiment, sans doute plus long qu'actuellement, devait également posséder, sur le même niveau, une ou plusieurs chambres et, dans le prolongement des communs, comme le laisse deviner la porte cintrée, (un cellier ?) qui, tout au bout, devaient compléter l'ensemble.

Cet édifice que l'on peut rapprocher pour le plan de construction, et la période, du grand doyenné d'Avranches, préfigure d'un siècle les " maisons fortes " dont notre Sud-Manche garde encore de belles traces au Mesnillard (la Faucherie), Beauficel (la Herpinière), Chaulieu (la Cour). Selon leurs implications dans les combats des guerres de religion, certains nobles ne firent que fortifier des ensembles tels que celui-ci en creusant des douves ou en dotant comme à Saint-Hilaire (le Jardin) le principal accès, d'une tour à feux. D'autres comme les Montgommery à Ducey, partirent de zéro pour tout refaire à neuf.

 

Il y avait, en 1749, lors de la visite pastorale de Mgr Durand de Missy accueilli par le curé Harivel, 600 communiants, chiffre à opposer aux 470 habitants recensés dans la période moderne. Cette paroisse fort marécageuse arrosée par de nombreux ruisseaux allant tous à la Sélune (le Bahan, le Chais-Moiseraye, la Roulante), proche néanmoins de Saint-Hilaire abrita de nombreux personnages illustres pour la région. A la Trémerais, le manoir appartenait à la famille Le Roux, apothicaires et chirurgiens établis également à Parigny et Saint-Hilaire tout au long des XVIIe et XVIIIe siècle. Les Le Bel étaient aussi une famille très ancienne originaire de Lapenty, un livre de raison de 1580 faisant remonter leur origine à deux siècles plus tôt.

Enfin, c'est à la Chubriais, face au Coquerel appartenant plus tard au député Legrand (et dont on reparlera dans la rubrique Milly), que naquit le 3 novembre 1765 , Jacques Lecapitaine, 7ème enfant d'un laboureur et charron et qui, bon élève du curé Harivel que l'on a vu plus haut, fit une superbe carrière militaire tout à la fois sous l'Ancien Régime (soldat en 1784 au régiment de Neustrie), la République (chasseur et soldat d'élite dans la garde constitutionnelle, préfigurant la Garde républicaine), et surtout l'Empire. Lieutenant (1792) et capitaine à 27 ans (1793) dans l'Armée de la Moselle sous Hoche, encore moins âgé que lui (25 ans !), il était chef de bataillon pendant la campagne d'Italie, puis fit l'Egypte, l'Espagne comme aide de camp et général de brigade. Baron d'Empire, comme presque tous ses pairs, il remit son épée au service de l'Empereur après les Cent-Jours, et fut tué, 2 jours avant Waterloo (où, ironie du sort, un de ses neveux, lui aussi de Lapenty, perdit une jambe), le 16 juin 1815 dans l'affaire de Ligny gagnée contre Blücher.

 

Révolution

 

A la Révolution, il est à noter que le vicaire Clément Grandguillot, tout comme le curé de la Brousse (qui finit même armateur à Saint-Malo !) furent d'ardents patriotes, tous deux apostasièrent et se marièrent. Les cloches partirent au District de Mortain, le culte fut assuré par les réfractaires Pierre Louis Lecapitaine (qui ouvrit l'église en juillet 1801 jusqu'en 1804), puis le Saint-Hilairien Louis Thomas Rogues. Les Chouans tuèrent un nommé Hanquet, et ce fut, croit-on, le seul meurtre commis dans la paroisse.

Le XIXe siècle vit l'établissement de nombreux calvaires, mais surtout le double assassinat de 1836, les époux Lesénéchal ayant occis leur fille (enceinte) et leur gendre pour d'obscures questions d'argent. L'affaire défraya la chronique, on écrivit des complaintes selon la mode de l'époque, et les deux époux furent tous deux guillotinés à Mortain le 1er juillet 1837. Il est à noter que ce fut la dernière exécution publique d'une femme dans le Sud-Manche.

 

Les premières municipalités

 

Les archives municipales, disponibles, mais pas facilement exploitables, du moins dans leur premier tome de 1838 à 1858 difficilement lisible, il faut en retenir, pour la bonne compréhension de la période moderne de cette commune relativement excentrée, une certaine stabilité. De population tout d'abord, toujours autour de 1 000 habitants (1082 habitants en 1844, 1161 habitants en 1848, 1083 habitants en 1863), mais aussi, de ses équipes municipales, au moins jusqu'en 1900.

La commune qui, rappelons-le, a remplacé seulement depuis quelques années l'ancienne paroisse, est une institution solide. Son conseil de 12 membres est dominé par des tandems de maires et adjoints (Laisné-Restoux 1838-1855, Buisson-Peignon 1855-1870, Peignon-Hamel 1870-1890) qui se succèdent harmonieusement, et ont donc eu le temps de mener les réformes nécessaires en ce XIXe siècle qui modifie considérablement la physionomie du pays.

Le désenclavement, durant en gros tout ce siècle allant jusqu'à 1914, occupe les trois quarts des délibérations. Il s'agit pour ces édiles ruraux de refaire leurs chemins vicinaux certes, mais aussi déjà de subir plus que de véritablement accepter une politique d'aménagement du territoire impulsée par les préfets. Entre 1840 et 1860, les " chemins de grande communication " et particulièrement celui de Fougerolles à Mortain qui passe sur Lapenty tracasse les élus qui doivent budgéter en sus de ce qui est prévu pour les vicinaux locaux, voire fournir trois journées de travail en nature par an. Le 25 décembre 1892 au matin, le jour de Noël, c'est donc dire si c'est important, une réunion extraordinaire répond par l'affirmative à un questionnaire du préfet qui propose la centralisation sous la houlette départementale de la petite vicinalité. Depuis 50 ans on avait réalisé près de 9 km de chemins de desserte des hameaux, trois étaient en cours pour un coût annuel de 1534 F sur un budget primitif communal qui oscilla entre 4 000 F (dans les années 1840) et 9 000 F (au plus fort des investissements à la fin du siècle).

Le fonctionnement budgétaire de la commune, au moins dans son esprit, était encore assez similaire à celui de l'ancienne paroisse, les contacts avec la " Fabrique " (1) étant fréquents, du fait que les lieux de culte étaient désormais du ressort communal, et que l'on associait systématiquement (comme autrefois lors des " généraux " des paroisses) les " hauts cotisés " (un euphémisme pour dire les plus gros contribuables de la commune !) à toutes les décisions importantes. Lors d'événements exceptionnels comme en septembre 1870 où l'État dut lever ici 2716 F d'un coup (le tiers du budget !) pour la défense nationale, le pays étant envahi par les Prussiens, ce fut Édouard de Lorgeril, lui-même membre du conseil municipal qui prêta à la commune la somme remboursable en deux ans. L'État ayant rétrocédé la somme en 1873, avec cet argent on acheva les chemins vicinaux en cours, et surtout on transféra le cimetière (coût 1150 F) à la Basse-Aumône.

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La question religieuse qui se posa durant tout le siècle pour aboutir en 1905 à la séparation de l'Église et de l'État, se comprend bien à travers l'avalanche, pourtant abstraite des chiffres. Sans cesse il faut veiller au traitement du vicaire, la Fabrique ne pouvant y subvenir seule, mais aussi aux réparations de l'église Saint-Ouen : en 1846, et surtout en 1899 où il faut démolir le clocher, même si, les relations s'étant tendues en ce moment avec l'évêché, c'est la cure qui doit trouver les 1500 F nécessaires, et construire le " beffroi " provisoire qui soutiendra la cloche. En 1888, il faut couvrir le presbytère, la somme n'est pas énorme (300 F), mais le budget 1887 étant en déficit, à la Fabrique de se débrouiller... mais il est vrai qu'elle reçoit aussi pas mal de legs et dons.

Ces frais disons " ancestraux " passent mal au moment où les municipalités sont confrontées à une nouvelle dépense impérieuse, celle des écoles. A Lapenty dès 1840 on s'inquiète de la location d'une " maison d'école ", mais surtout de la construction d'une nouvelle école de filles à la "Housserie" qui coûte 2700 F soit la moitié du budget communal ! et il faut, bien sûr, payer le traitement des deux enseignants qui vont avec, dont la nouvelle institutrice Victoire Le Mesnager (née en 1813 à Lapenty). En 1879, il faudra construire une nouvelle école, de garçons cette fois, il en coûte 19 000 F avec le mobilier, les subventions n'étant que de 7 000 F, il faudra donc emprunter, le budget de fonctionnement annuel n'étant que de 9 000 F. A partir de 1884 débutent également les cours pour adultes, gratuits, sur fonds communaux pour lutter contre l’illettrisme.

Le progrès impose de donner son avis sur le service journalier de la Poste en 1847, comme dans toutes les autres communes du canton (mais avant Parigny, Milly et Chèvreville qui seront dotées en dernier), sur les foires et marchés voisins qui se déclarent un peu partout autour, sur l'arrivée du chemin de fer en 1863 que l'on souhaite, bien sûr, voir passer plutôt par Domfront que par la Ferté-Macé.

Mais, par-dessus tout, dès 1840, les questions sociales viennent agiter les débats. Dès cette année se crée un bureau de bienfaisance, et il faut inscrire gratuitement une dizaine d'élèves à l'école. En 1854 on repousse la création d'une société de secours mutuels car il n'y a pas ici, contrairement à Saint-Hilaire-du-Harcouët, d'ouvriers sur la commune, mais sur décret impérial on doit créer une commission (dont d'ailleurs fait partie le curé) qui va attribuer une partie de la manne (5 millions de F dont 80 000 pour la Manche) aux indigents et nécessiteux, notamment pour les occuper à des travaux d'utilité publique.

Toute cette ambiance (cherté des subsistances, instabilité politique et sociale) n'est pas étrangère à la création en 1863 d'un poste de garde-champêtre : " pour se mettre à l'abri du maraudage et des dégâts qui sont journellement commis sur les propriétés et réprimer le braconnage qui s'exerce de jour en jour avec plus d'audace ". On donnera 10 F de plus au cantonnier (le premier Auguste Hamon, ancien militaire avait été recruté trois ans plus tôt) pour faire l'affaire. Cette commission dite " de charité " avouera en 1865 n'avoir pas trop bien fonctionné " en vue de l'extinction de la mendicité ", et se réformera pour être plus efficace, notamment fin 1879 quand les préfets inciteront les communes à dresser une liste nominative des indigents à employer à des travaux d'intérêt local. On doit rendre cette justice aux édiles de Lapenty, non seulement ils n'établirent pas cette liste, mais leur commission montrera nettement que son but était de mettre " à l'abri de toute arrestation les indigents locaux non vagabonds ". C'est-à-dire, les pauvres " locaux " bien identifiés. De fait, à partir de ces années 1870, le conseil est souvent saisi de demandes d'exemptions militaires (conscrits ou réservistes) soutiens de familles qu'il appuiera sans aucune exception sur 20 ans, de placements de personnes âgées pauvres ou infirmes à l'hospice de Saint-Hilaire-du-Harcouët. Leur nombre est à peu près similaire : 3 en 1894, 4 en 1908. Il y a de nombreuses demandes, et quelques abus vite décelés car tout se sait dans ce coin du Sud-Manche où l'on repousse une aide à ce vieux Mortainais échoué à Lapenty, mais dont les enfants sont soit propriétaires de carrière ou à la tête d'une ferme de 16 hectares. De ces liasses de documents administratifs jaunis à l'impitoyable sécheresse et où seuls les chiffres reflètent parfois les évènements nationaux (emprunt de 1870... mais rien par exemple en août 14 !), c'est ainsi en filigrane que se révèle l'humanité de nos devanciers, toujours méfiants de ce qui vient " d'en haut ", rarement positif, et proches des humbles que l'on comprenait car les côtoyant au quotidien.

 

Les municipalités depuis 1900

 

Lapenty comme la plupart de ses voisines a vécu des municipalités de continuité avec des élus arrivant au pouvoir après un cursus classique : conseiller, adjoint, maire. Honoré Brou (maire de 1904 à 1909) a connu les difficultés  des inventaires, et fut auprès du curé Gesbert et de la population (200 personnes des deux sexes) le vendredi 29 mars 1906 quand à 9 h, le percepteur de Milly, M. Videlaine fit irruption. En entonnant des cantiques, on lui refusa l'entrée dans l'église et les gendarmes de la brigade de Saint-Hilaire-du-Harcouët durent s'interposer pour calmer la foule.

Son successeur de 1909 à 1912 fut Félix Lucas, à la tête d'une bourgade où la population, déjà avait beaucoup diminué (799 habitants, 921 en 1900), les jeunes allant vers les villes pour trouver du travail. On sait néanmoins, grâce au recensement de l'instituteur de 1913 que tous les commerces étaient parfaitement représentés : 4 couturières, 2 marchands d'engrais (Haudebert, Toullier), 2 marchands de bestiaux (Hantraye, Juhel), 3 sabotiers (Babin, Armand et Joseph Foyer), 1 maréchal (Belliard). On trouvait à l'époque, de tout dans la moindre bourgade : 2 menuisiers (Juhé, Bellaize), 3 charrons (Busnel, Lecapitaine, Anfray), un autre maréchal (Houssard), 3 épiciers (Pigeon, Busnel, Juhé), et 6 débits de boissons ou " buvettes " ( Haudebert, Lecapitaine, Lemonnier, Macé, Maillard et Anfray), annexes le plus souvent des commerces précités.

La Grande Guerre, sous la municipalité Louis Rouel (1912 à 1921) fit ici comme partout de nombreux morts : 54 sur 799 habitants. En janvier 1920 le conseil municipal décida d’élever un monument aux morts, le choix de l’emplacement n’étant décidé que l’année plus tard.

Son successeur Jules Basile (1921-1935) vit un mandat typique de ce qui se passa durant l'entre-deux guerres dans le Sud-Manche, avec une belle mission religieuse du 6 au 20 janvier 1935 (une quarantaine de paroissiens assistant aux messes quotidiennes), mais surtout, quelques mois plus tard, en mars, la " fièvre de la goutte ", et la démission complète le 4 mars, du conseil municipal pour demander la liberté complète de distiller. Les manifestations de ce genre s’étaient multipliées dans cette contrée en ébullition. A Lapenty il y eut même un bris collectif de scellés posés sur les petits alambics familiaux servant à distiller. Devant une foule chantant la Marseillaise, les scellés de la régie, réduits en cendres furent déposés dans une tombe symbolique. Dans la foulée, le dimanche suivant, après la messe l'effervescence se poursuivit pour préparer la grande manifestation du 17 mars à Mortain qui allait regrouper des milliers de ruraux.

C’est à ce moment (séance du 20 mai 1923, installation le 1er septembre 1925) que le téléphone fit son apparition dans la commune avec une "cabine" installée chez un commerçant rétribué pour la gérance et le portage de télégrammes. Et le 25 mai 1930 on décida d’acheter… un corbillard, revendu seulement en 1969.

Emile Roussel, maire lui, de 1935 au 1er avril 1939, vécut en 1938 la réfection du clocher et la bénédiction (le 7 juin) des trois nouvelles cloches par Mgr Louvard (parrains et marraines : Edmond Delatouche et Mme Jules Basile – Pierre Leboulanger et Maria Laisné – M. le curé et Mme Dupont née Brou).

Le maire de la guerre et de l'Occupation fut Jules Lepeltier ( 1939 au 22-04-1944), déjà âgé, un peu débordé par son secrétaire de mairie qui tomba un peu plus tard en mai 44, suite à un trafic de cartes d'alimentation. La guerre de 39-45 avait déjà fait deux victimes militaires (A. Ménard, J. Saulnier) quand le 5 août, à la Boisnais, une bombe allemande tua Lucie Le Roux, épouse Hamel, 49 ans, une réfugiée des bombardements de Saint-Hilaire-du-Harcouët.

Edouard Anfray (1944-1971), fraîchement élu maire fut arrêté le 15 juillet 44 et incarcéré une journée à Bourberouge en Saint-Jean-du-Corail, sinistre prison de la Gestapo allemande en fuite (et où 5 résistants du réseau de Fougerolles furent fusillés) pour s'être opposé à des requisitions. Il y avait alors 724 habitants dans cette commune libérée le 3 août dans la foulée du chef-lieu de canton.

Edouard Anfray, maire jusqu'en mars 1971, désenclava les fermes, créa le groupe scolaire (inauguré le 28 avril 1963), réaménagea la mairie au même moment que la place centrale, l’horloge du clocher (1952), le presbytère où, depuis 1948 était installé l'abbé Maurice Mallet, un curé " vieille école " qui marqua des générations de paroissiens, puisqu'il y célébra son centenaire en 1999. Toujours et jusqu'au bout fidèle à la soutane, il créa un vaste mouvement dans l'esprit des " patros " d'autrefois : théâtre, jolie crèche qu'on venait voir de loin, précédant en quelque sorte le succès de la crèche vivante de Saint-Hilaire-du-Harcouët un peu plus tard. Dans cette période la commune participa à la fête de la Terre (1953), le foot démarra en juillet 1967 avec Milly, puis Touchet en Octobre 1975.

André Foubert, maire de 1971 à 1983 continua l'oeuvre de son prédécesseur du côté de la modernisation des voies rurales, de l'entretien des bâtiments communaux, et dès 1983, donc en pleine modernisation de l'agriculture, sut deviner (malgré un référendum hostile au remembrement deux ans plus tôt) que la modeste dimension des fermes ne permettrait pas bien longtemps l'installation des jeunes. Cette période fut néanmoins faste au plan associatif avec des fêtes communales prospères, la création par Edouard Anfray en 1979 d'un club du troisième âge qui, en 1988 prendra le nom de " club des bons vivants ". Ses présidents successifs seront Vital Boisbunon (1981), Albert Laisné (1989) et Yvonne Heslouis en 2003.

Alexis Basile, maire de 1984 à 1995, conseiller municipal depuis 1947, puis adjoint, n'eut aucun mal à succéder à André Foubert, décédé en décembre 1983, pour poursuivre une oeuvre de développement : lotissement communal (1986) et surtout rassemblement pédagogique (1988) avec Villechien et Milly. C'est toujours à Lapenty que se tient d'ailleurs l'école maternelle fréquentée encore par une trentaine de bambins en 2010.

Les passions s'étant apaisées, et les remembrements moins draconiens que vingt ans plus tôt, le réaménagement foncier s'étala de 1989 à 1992, et permit notamment dans ses travaux connexes d'aménager le beau plan d'eau (1994-1995) que l'on peut admirer en venant de Saint-Hilaire-du-Harcouët et qui sert d'écrin à la fameuse fontaine Saint-Ouen.

 

La fontaine Saint-Ouen : pour les yeux... et la goutte !

 

Attention hein, il y a goutte... et " goutte ", surtout en Normandie n'est-ce-pas ! eh bien, à Lapenty, dans le joli petit oratoire dédié à saint Ouen, ce disciple de saint Eloi, évêque de Rouen, et dont se réclament pas moins de 39 localités dans notre pays la fontaine était tellement puissante pour les yeux, que certains disaient qu'elle renforçait aussi... le calva ! et un vieil habitant du cru, lors de notre visite fut même plus précis " de 14 degrés " pas moins ! ah, que diable, voilà donc une source " alambiquée " qui mérite qu'on y regarde de plus près, surtout qu'elle donne dans le plan d'eau municipal où s'ébattent cygnes et canards, lesquels ne semblent guère avoir de " vapeurs ", ni ressentir les effets du redoutable " coup de pied de bouillotte "...

Il faut comprendre : toutes les fontaines sacrées étaient d'origine païenne, et c'est pour le faire oublier qu'on leur donna le nom de saints renommés surtout quand au moment de la Contre-Réforme du XVIIe siècle, on s'efforça de rétablir un culte populaire, présent partout. On refit des églises, chapelles, calvaires, avec profusion de processions rythmées au chant des cantiques vers tous les lieux de culte ruraux. Chacune avait sa spécificité, marche des nourrissons, rhumatismes, ici les yeux comme à Vergoncey où l'analogie avec… Saint-Clair est encore plus évidente. On pouvait s'en badigeonner, et même, effet plus garanti encore, en boire, si on puisait au bassin où jaillit l'eau au-dessus duquel est placée la statue du saint protecteur. Mais de là à sanctifier la goutte ! en dehors de l'enclos, elle perdait de son caractère sacré et religieux. On peut en sourire, mais quoi qu'on en dise, la permanence des visites, l'entretien témoigné, montre que cette dévotion se maintient. Elle est d'ailleurs justement de plus en plus relayée, comme à Lapenty, par les communes, dans une démarche tout aussi respectable que celle qui vise, malgré le manque de prêtres, à entretenir les églises ou relever les jolies croix que l'on trouve encore bien souvent à nos carrefours.

Tous ces petits oratoires, humble et fascinant héritage légué par nos pères, ont été créés et veillés pendant des générations par la piété villageoise. Ils sont, pour ceux qui savent les apprécier, un écho de leurs misères, leurs souffrances, mais aussi les espoirs qu'ils plaçaient dans les forces divines, chrétiennes, ou dans l’experience accumulée par les générations précédentes.

André Adolphe, en juin 1995, avait pris le relais étant lui aussi depuis de nombreuses années aux affaires communales. Il rénova entièrement l’intérieur de l’église dont les travaux seront bénis par Mgr Fihey en 1999 à l’occasion du centenaire de l’abbé Mallet, il réhabilita le presbytère (2002), lança l'effacement des réseaux, l'aménagement du plan d'eau dans le cadre du contrat de pôle, puis un nouveau lotissement terminé en 2010, mais le dossier THT et couloirs de lignes suscita une association hostile au projet présidée par Josiane Belliard (novembre 2007) qui fusionna un peu plus tard (février 2009) avec une société similaire de Milly.

En 2010 sur une superficie 1495 ha il y a 444 habitants, 20 cultivateurs, la plus grosse ferme fait plus de 100 ha. Il reste 2 commerces (café restaurant du bourg et du Bois Léger), une entreprise agricole (Lagoguée) et un artisan menuisier ( Bruno Lemée).

 

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Pour le maire actuel, André Adolphe, la situation de la commune en ce début de XXIe siècle ne manque pas d'atouts : " Certes nous sommes un peu à l'écart des grands axes, mais la population est en légère hausse, nous conservons notre école, nous avons un lotissement, et nous gardons confiance en l'avenir, malgré le lourd dossier THT qui, sur un peu plus de quatre kilomètres, traverse notre commune au beau milieu et où une demi douzaine d'habitations seront concernées par les nuisances. On ne nous a pas trop laissé le choix. Dans une moindre mesure que Chèvreville car la ligne passe loin du bourg, c'est quand même un gros problème pour la mairie avec beaucoup de travail au plan administratif, mais en contrepartie les indemnités permettront d'entamer quelques grands chantiers comme l'éclairage ou la réfection du bourg."

 

Les écoles d’hier et d’aujourd’hui

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Avant que le groupe scolaire mixte soit inauguré en avril 1963, il y a eu longtemps, comme on l’a vu plus haut, deux écoles à Lapenty : la toute première école de garçons était située au village de la Réauté, puis au village de la Croix du Fresne, et en 1880 dans le bas du bourg. L’école des filles quant à elle était située à la Housserie dans une maison habitée actuellement par Hélène Juhel, née en 1922 : " nous habitions le village des Cours, et il y avait bien deux bons kilomètres à effectuer aller-retour tous les jours en sabots et sacotins. J'y fus l'élève de Mlle Jeanne Laisney dans les années 28-29, une institutrice qui y fit toute sa carrière de 1926 à 1966 ". Orpheline de bonne heure, Hélène Juhel, se retrouva ensuite, seule à la tête d'une grosse ferme, quand son père qui était aussi marchand de vaches, fut mobilisé pour la guerre.

 

La vie dans le bourg en 1950

 

Juste après la guerre, hormis les zones sinistrées comme Saint-Hilaire-du-Harcouët, Avranches ou Mortain, la vie reprit tout à fait comme avant le conflit, la grande modernisation de l'agriculture datant plus tard des années 1958-1965 où, tout à coup disparurent les chevaux, remplacés par les tracteurs, ce qui changea radicalement la face commerciale des villages, car nombre d'artisans (charrons, bourreliers, maréchaux) étaient directement liés à la traction animale.

Emile Juhé (né en 1931, retraité depuis 1991) représentait la 3è génération de menuisiers établis dans le bourg. Major de sa promotion à l'école de Saint-Laurent sur Sévre en 1946-1947, il travailla longtemps chez son père qui, lui même avait pris la suite d'un père également prénommé Emile, établi à Lapenty dès 1910. " La reconstruction de Saint-Hilaire-du-Harcouët a donné du travail une bonne quinzaine d'années aux artisans du canton dont nous étions. Tout se faisait à vélo, jusque dans les années 55 où mon père a eu sa première camionnette. Dès le retour d'école en 1948, j'étais capable de faire des chambres, mais on ne livrait pas, et les clients s'arrangeaient pour venir chercher la marchandise. L'hiver on abattait de la grume, et la scierie mobile à vapeur puis diesel campait dans notre cour des mois entiers à débiter des planches. Il faut dire que parfois, on nous payait pour partie les commandes en bois sur pied. Dans ces années-là, il y avait une vie très active sur ce triangle formé entre Lapenty, Villechien et Milly. Les deux charrons, tout comme le maréchal tournaient à bloc, il y avait trois épiceries et autant de cafés, la vie se concentrant autour du marché de Saint-Hilaire-du-Harcouët le mercredi et le dimanche avec la messe ". De fait, la vie paroissiale dirigée alors d'une main de fer par le curé Maurice Mallet arrivé en 1948 était particulièrement active. Toujours en soutane jusqu'à sa mort, centenaire, en 1999 il organisait sur l'ancien modèle des " patros " théâtre, kermesses, voyages, crèche et cérémonies grandioses comme autrefois. Mais gare aux récalcitrants ! on le vit ainsi déclarer " nulle " la messe d'un garçonnet qui avait oublié l'argent pour sa quête, ou encore priver de communion un chenapan qui lui avait chipé quelques fraises dans son jardin ! Quatre jeunes filles qui avaient raté pour on ne sait quelle bonne raison la messe de minuit à Noël, furent elles aussi frappées du même anathème, avec les conséquences que l'on imagine à l'époque pour les familles qui en faisaient une grande fête. Il leur fallut, après quelques tractations, se résigner à aller faire leur communion... à Saint-Martin-de-Landelles où le curé, sans doute, était plus accommodant... A tout pêcheur, miséricorde !

Juste en face, Jeannine Lemée, née Froc, épouse du charron Yves Lemée (1933-1985), confirme. Ayant élevé sept enfants, tous nés à domicile, ancienne couturière, elle faisait épicerie, mercerie, vente de sabots et de pain que l'on pesait : " nous n'avions pas d'horaire, et à la saison en automne, mon mari qui était aussi tonnelier travaillait même la nuit. Et je donnais à l'occasion le coup de main quand il fallait cercler et river de fer les roues de charrettes à en avoir les mains toutes meurtries. Bien sûr, il fallait aussi s'occuper de toute la maisonnée : sept enfants, plus un ou deux apprentis nourris et logés, et le commerce, on ne manquait pas d'ouvrage ! ".

Au début des années soixante, son mari sentant le vent tourner se mit à travailler les meubles en série, pour des antiquaires, puis à son compte pour devenir fabricant, son fils Bruno prenant la suite, ayant certes pignon sur rue à Saint-Hilaire-du-Harcouët (4 salariés), mais ayant conservé son atelier du Clos-Tranquille.

 

La vie à la campagne et les métiers d’autrefois

 

Une tuerie de cochon chez André Sauvé au village de la Chubriais

 

Ca commence par un café calva, puis on prépare l’établi que l’on enterre pour avoir une hauteur de 60 cm, puis on attrape le cochon dans la soue (bâtiment où loge le porc pendant son engraissement). On approche le cochon de l’établi, on le couche sur le côté tenu par des voisins, le patron armé d’un grand couteau lui traverse le cou de part en part. La patronne quant à elle, récupère le sang dans un seau, puis ensuite on pose le cochon sur la tôle, on le recouvre de paille et on y met le feu pour le griller. Ensuite on le lave et on le gratte avec des boîtes trouées avec une pointe, ensuite on procède à l’ouverture du ventre du cochon. Les femmes emportent les boyaux pour les dégraisser au ruisseau ou au lavoir. A midi, pendant le déjeuner on met à cuire la viande pour faire le boudin dans une marmite suspendue dans la cheminée sur un bon feu de bois. Le cochon est ensuite pendu sur une échelle où il va passer la nuit pour le refroidir. Le lendemain matin, le cochon est découpé pendant que les voisins se préparent pour faire les saucisses et le pâté, le reste du cochon est déposé dans une maie, sorte de grande caisse en bois. Dans le fond, on y met de la cendre puis un grand drap. Les morceaux de cochon sont salés les uns après les autres, le drap est refermé, le tout recouvert de cendre pour éviter que les souris y viennent faire une visite. Tout cela entrecoupé de coups de cidre et de calva.

Le dimanche suivant, c’est le fricot de cochon, il n’y avait pas d’apéritif, cela commençait par la courrée du cochon (poumon et cœur) cuite dans la marmite, puis la souris cuite à la casserole avec des carottes, et le rôti cuit au fourneau suivi du plat de riz au lait.

La journée finissait souvent bien arrosée de cidre, exceptionnellement d’un peu de vin rouge et de la vieille goutte.

 

Georges Péri, un passionné d’abeilles

 

A l’orée d’un bois, dans le coin d’un champ ou d’un plant, dans chaque commune on pouvait entrevoir de drôles de petites maisons, en paille tout d’abord, en bois ensuite dont la concentration plus ou moins dense prenait l’appellation de ruchers.

Si vous vous rendez au Champ Henri à Lapenty, vous en verrez un et vous y rencontrerez son propriétaire, un homme passionné depuis l’enfance par l’apiculture, autrement dit l’élevage des abeilles pour leur miel.

Notre homme, c’est Georges Péri . Il est né en 1927 et c’est là, à Lapenty, qu’avec Maria, il a exercé le métier d’agriculteur jusqu’en 1992 ? année où l’heure de la retraite a sonné pour lui – enfin… presque car si le cheptel traditionnel a disparu, il veille encore, avec beaucoup d’attention sur quelques milliers d’ouvrières que sont ses amies les abeilles.

En effet, tout comme l’était son père, et avant lui son grand-père, Georges est un apiculteur né. Plus qu’une activité secondaire exercée par bon nombre d’agriculteurs de notre région, c’est un besoin essentiel à son bon équilibre. Pour lui, il n’y a pas de vie heureuse sans les abeilles et le travail qu’il doit fournir ne lui pèse pas, " car maintenant ce n’est rien raconte Georges, le sourire au coin des lèvres. Il ne reste à présent que quelques ruches dans le plant pour m’occuper, mais il y en a eu jusqu’à 25. A la belle saison, on compte environ 50 000 abeilles par ruche contre 15 000 l’hiver qu’il faut nourrir, si on veut les conserver ". Et de se rappeler que dans le temps, quand les ruches étaient en paille ( on disait ‘’ des bines à mouches ‘’ qu’il lui arrivait de fabriquer en paille de seigle et en ronce ) on enfumait de soufre les abeilles pour les faire mourir en fin de saison. Il fallait bien remettre en état les bines, et puis…c’était comme çà ! Maintenant, avec les structures en bois, une ruche vit environ 5 ans. Si elles essaiment, on reconstitue une nouvelle ruche et quand une vieille reine s’en va, une jeune la remplace. Le mieux pour les ruches, c’est une exposition sud car l’ensoleillement est important et il faut éviter les courants d’air. Quand il y a du vent, surtout du vent de nord, il n’y a pas de pollen.

Et quand il est parti Georges, on ne peut pas l’arrêter. Alors, il raconte encore qu’une ruche est composée de deux étages qu’on appelle des hausses qu’il faut enlever pour récolter le miel, qu’il récolte de 10 à 15 kilos de miel par ruche – c’est moins qu’avant où l’on pouvait en avoir jusqu’à 25 kilos par ruche. Mais maintenant, il y a moins de fleurs. Il se souvient des champs entiers de luzerne, de sarrazin, de trèfle blanc ( excellent pour le miel ), des talus où il y avait beaucoup de châtaigniers et des plants de pommiers bien fournis dont les fleurs procuraient aussi un excellent pollen. Mais maintenant, tout est différent, les remembrements sont passés par-là et les productions agricoles ont changé avec beaucoup de maïs et peu de plantes fourragères mellifères. Heureusement, il y a encore beaucoup de pissenlits… ( Il faut bien plaisanter un peu ! ). Et puis, comme le suggère le dicton ‘’quand le miel manque, on se contente de mélasse ‘’  Malgré tout, comme beaucoup, il est inquiet de l’avenir des abeilles.

Bien sûr, pour intervenir sur les ruches, il lui faut une tenue de protection et un enfumoir pour ‘’ endormir ‘’ ces charmantes petites bêtes. Il a beau dire que les abeilles ne sont pas agressives si on opère avec douceur, il finit par avouer qu’il a quand même été piqué à plusieurs reprises et qu’une fois, il a subi l’agression massive de 50 abeilles. Mais à la longue, on finit par être immunisé conclut-il.

Enfin, l’apiculteur possède du matériel d’extraction et de conditionnement : décanteur, centrifugeuse, récipients de stockage, etc.

Le miel ainsi récolté est à présent suffisant pour la consommation familiale et celle des amis habitués à se ravitailler là – ce précieux nectar étant toujours reconnu excellent pour la santé. Les professionnels commercialisent eux, en outre la gelée royale et la propolis, le must de la ruche qui entre dans certaines préparations vendues en pharmacie et dans des établissements spécialisés.

Reste un tout dernier élément : la cire – Elle est utile à la fabrication des alvéoles et le surplus est dirigé vers des structures spécialisées en bougies et cierges notamment.

La conclusion de Georges : je trouve toujours le même plaisir à récolter le miel de mes abeilles, mais dommage qu’il y ait tant de paperasses à remplir. Car ce que l’on ne sait pas , c’est que cet élevage bien particulier est soumis à une réglementation dictée par le code rural : des distances sont à respecter entre ruches et propriétés voisines, des mesures sont à respecter pour assurer la sécurité des personnes et des animaux, de même que pour la prévention des récoltes de fruits. Enfin, l’apiculteur doit posséder un carnet d’élevage pour transporter les ruches comme pour tout cheptel et … Il ne connaît pas le code par cœur, Georges et à son âge, il n’a vraiment pas envie de l’apprendre. Tiens, encore un petit détail avant de clore le sujet. Saviez-vous que lorsqu’un membre de la famille de l’apiculteur décédait, les abeilles portaient le deuil ? Eh bien, si… Il était en effet de coutume d’associer les abeilles au deuil de la famille, en fixant quelques rubans noirs sur la ruche et il nous a été rapporté qu’un agriculteur de Martigny, qui lors du décès d’un de ses proches avait omis de le faire a vu toute la colonie d’abeilles s’éteindre. De dépit, notre homme a laissé tomber l’apiculture, et c’est bien dommage de retrouver les bines… au poulailler: elles servent en effet de nichoirs.

 

Le moulin de Lapenty

 

Le vieux moulin, propriété Roussel, avait été acheté par le grand-père Roussel à M. de Villiers, gendre de M. de Géraldin châtelain de Saint-Symphorien, les deux communes ayant toujours été liées dans le passé. Il est à noter que ce M. de Villiers fut maire de Saint-Lô et vécut jusqu'en 1845.

Dans la façade de ce moulin il faut noter deux guerriers de fantaisie surmontés d'un petit chapiteau dorique avec des épaules, pas de bras, pas de jambes, le corps se terminant en pilastre, chaque guerrier représentant en fait assez une cariatide.

Ils ont sur le ventre un masque moustachu pouvant représenter une tête coupée. Celui de droite possède un baudrier avec une épée ballante.

Le linteau de porte a une croix semblable à celle de l'étole d'un prêtre en son milieu, mais sans être des armoiries.

Le réservoir qui termine le bief d'un km de long, est bordé de pierres qui viennent, non de l'abbaye, mais du château de la Vallée en Savigny vers 1840. Les deux guerriers dont nous venons de parler sont également venus de ce château. L'ancien moulin tombe en vétusté, l'actuel a été refait de neuf avec les anciennes pierres et des nouvelles vers 1838-1840. Le bief démarrait par un petit étang d'une vergée dépendant du moulin, faisant office de réserve où, selon la tradition, on enterra à la Révolution, tous les objets sacrés de l'église de Lapenty.

 

 

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