MOULINES

Publié le par canton-saint-hilaire du Harcouet

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Moulines : sous l'influence de Savigny, proche

 

Son nom, à lui seul, indique une origine que l'on retrouve dans ces Simon (en 1112) et Gervais de Molines (1195) signalés dans les rôles de l'Echiquier de Normandie. L’étroite relation avec l'abbaye de Savigny est confirmée par de nombreuses chartes dont celle de 1124 concernant encore et toujours, un moulin. La présentation de l'église Saint-Martin lui revient de nouveau, et il faudra attendre 1790 pour voir la cure rejoindre le doyenné de Saint-Hilaire-du-Harcouët, car dans tout l'Ancien Régime, la paroisse relèvera du doyenné du Teilleul pour le religieux, et de la sergenterie d'Ouessay pour l'administration. Outre ce fief aux d'Ouessay donc, sieurs du Touchet (puis aux Mahé et aux Corbin), il y avait à Moulines, trois vavassories nobles : le Bois-Allain aux Chéruzel, le Bois-Ferrand aux Lecocq puis du Hamel, et le Bois-Bunon à la famille éponyme, éteinte en 1618, puis aux de Fontenay. En 1669, le cardinal Forbin-Janson, abbé commandataire de Savigny, était seigneur du lieu, et présentateur à la cure, ramassant au passage les deux tiers des dîmes.

 

La Révolution

 

A la Révolution, le curé Almin qui était là depuis 1772 sans vicaire (ce que l'on peut comprendre puisqu'on a vu à la ligne plus haut qu'il était réduit à la " portion congrue "), refusa de prêter serment, mais resta en place jusqu'à fin 1791. Puis il passa à Jersey, et de là, en Grande-Bretagne, effectuant, après le Concordat, son retour à Saint-Hilaire-du-Harcouët où il décéda, très âgé en 1832. L'intrus Jérôme Santerre qui prit sa place était un moine, ex procureur de l'abbaye de Savigny voisine, qui, poursuivi par les Chouans, rejoignit en Grande-Bretagne son frère, ancien curé constitutionnel de Sourdeval, lequel s'était rapidement rétracté. Les habitants, patriotes modérés permirent que l'église ne soit pas trop dévastée. Pour les Chouans, y fut tué en 1792 Michel Guesdon, dit la Violette, un des chefs de Mantilly, et à la fin de la virée de Galerne (novembre 1793), la queue d’une colonne vendéenne résista victorieusement au bout de l’avenue du Bois-Ferrand à la garde nationale de Mortain. (voir l’encadré sur ce château).En 1803, l’église fut de nouveau ouverte au culte par Charles-Jean Jugus, originaire (en 1771) de Savigny, dont l'itinéraire ecclésiastique fut pour le moins curieux. Ordonné en 1792 par l'évêque constitutionnel Bécherel, il avait défroqué un an plus tard pour devenir… soldat ! Or, s'étant rétracté avant la fin de la Révolution, il fut un moment curé de Ger, où il fut remplacé par un autre curé à la trajectoire singulière. François Gilles Cordoen (né à Saint-Brice-de-Landelles en 1769) avait lui aussi porté les armes, mais dans la cavalerie, où se souvenant qu'il avait été prêtre, il faisait merveille pour apporter la consolation de son ancien ministère aux soldats mourants ! Se rétractant au Concordat, cet autre prêtre-soldat fut réordonné aux Loges-Marchis en 1803 (décédé en 1853).

Du XIXe siècle quand démarrent les archives municipales, le maire Louis Blondel (1800-1824) note en l’an XIII : " église et presbytère sont démunis de tout, les deux chemins qui desservent la commune sont totalement impraticables ce qui la prive de toutes relations commerciales avec ses voisines ". Les travaux de la route Saint-Hilaire-Domfront commencent alors, et les principaux propriétaires de la commune donnent 220 journées (avec bœufs et chevaux) pour dégager, empierrer les voies.

En 1824 où Auguste Gaudin de Villaine, maire (1824-1830) jure fidélité au Roi, un recensement montre que les vieux registres paroissiaux datent de 1680 mais qu’il manque beaucoup de documents " brûlés au temps de la guerre civile ". Quatre ans plus tard, signe déjà de l’exode rural qui commence, à un moment où on se plaint du manque de bras en zone agricole, la mairie signe huit passeports pour des ouvriers qui vont sur Paris : broyeur de couleurs, porteur d’eau, maçon. En 1830, sous la municipalité Ladvoué (1830-1831) juste avant la démission logique du châtelain à l’avènement de la seconde République, il faut réparer le pont de la Chaize, coupé 3-4 fois dans l’année par les orages et les crues, avec financement par moitié avec les Loges-Marchis… en espérant que le préfet mettra au bout !

En 1832, 469 habitants, maire Pierre Soulard (1831-1840) on note que la route Savigny-Saint-Hilaire-du-Harcouët qui traverse la commune est entièrement défoncée par les charrois de la vente des bois de la forêt de l’abbaye. En 1874, pour Victor Frémin, maire (1874-1896) l’urgence c’est de faire le pont du moulin de la Vallais, la dépense étant cette fois à répartir entre Moulines, les Loges-Marchis (qui va bientôt avoir sa gare), mais aussi Saint-Hilaire-du-Harcouët. Contrairement aux autres communes du canton, il n’y a pas de cours d’adultes, la population étant trop faible.

Au tournant du siècle, Moulines n’est pas favorable au projet de tramway craignant les frais d’arasement, mais revoit sa copie en 1904 ce qui ouvre… la voie, c’est le cas de le dire, à une jolie période d’activité ferroviaire sur la petite commune que nous relatons ci-après.

Moulines au temps du " tortillard "

Seule la toponymie, et un œil exercé parfois repérant ici un ancien ouvrage d'art, un quai, du ballast, un passage à niveau, permettent de lier au paysage toute cette époque, presque un demi-siècle où notre campagne du Sud-Est du canton de Saint-Hilaire-du-Harcouët, vivait à l'heure du " tortillard ", ce petit tram à voie étroite, qui emmena des milliers de voyageurs ruraux de Saint-Hilaire-du-Harcouët à Landivy, passant par Moulines, Savigny, Pontmain. Dans la campagne on réglait son temps sur le passage... (qui n'avait rien de la précision suisse) de cet équipage que les vaches regardaient passer, bien plus facilement que les " rapides " filant comme l'éclair sur les " grandes lignes ".

Pas de trace d'inauguration grandiose lors de la mise en fonction officielle le 3 avril 1909 dans cette manifestation d'une politique départementale hardie. Elle profite opportunément de la loi Freycine, sous la houlette d’Arthur Legrand, rapporteur en 1891 et 1894, député-maire de Milly, dont on lira l'action dans la rubrique spécialement consacrée de cette commune. La déclaration d’utilité publique datait de juillet 1905, et il y eut cinq mois de retard du fait des avatars d’un relief plus accidenté qu’il n’apparaissait au prime abord. On sait seulement par les délibérations du conseil municipal (municipalités Louis Lepeltier maire et Jean Restoux adjoint) que la commune en 1900 jugea le projet inutile et dispendieux, cette dernière n'ayant aucune somme à consacrer aux considérables arasements prévus. Malgré tout, en 1904, elle accepta le tracé qui lui était proposé et on peut penser que les débuts du service furent contemporains de la création en 1908, des Chemins de fer de la Manche. Ceux-ci exploitaient déjà deux lignes similaires partant de Granville vers Avranches et Condé-sur-Vire.

Le choix de la voie métrique, comme les 9 autres similaires dans le département (sur Saint-James, Pontorson-le Mont-Saint-Michel, Coutances, avec Orval-Régnéville dès 1902, et surtout le célèbre " Tue-vaques " cherbourgeois) s'expliquait par ses coûts de construction et d'entretien plus faibles, et une formule d'exploitation connue sous le nom des trois fois quinze : c'est-à-dire des rails de 15 kg chacun au mètre linéaire, des locomotives n'excédant pas 15 tonnes, et une vitesse moyenne de 15 km/h. Les locomotives au charbon épuisaient 400 litres d'eau aux 20 km, mais sans avoir forcément besoin de tender, la machine disposant à l'avant d'un tuyau flexible de secours permettant de puiser directement dans les ruisseaux et les mares à proximité. Les ateliers et l’entretien s’effectuaient à Saint-Hilaire-du-Harcouët, l’approvisionnement en eau à Landivy.

Tressautant, couinant, soufflant ses braises un peu partout, notamment dans le bois de la Corbinière, régulièrement incendié chaque été sec par ses escarbilles, traînant ses trois wagons sur les 17 kilomètres de la ligne, il allait ainsi, souvent avec un " miot " de retard de village en village à travers clos et landes, lanternant tout le long des fossés bordés des longues hampes de digitales, et des touffes de coquelicots. La gare de la Hautonne s'encombrait de caisses pour le commerce du bourg, de paquets de lettres, les bagages dévalaient par la porte grande ouverte, la demi douzaine de voyageurs zigzaguant entre caisses et cageots, particulièrement le mercredi. Une délibération du conseil municipal en date du 13 mars 1927 demanda que la Compagnie des Chemins de fer de la Mayenne s'aligne, comme du temps de la Cie de la Manche, sur les deux correspondances journalières, montantes et descendantes avec les Chemins de fer de l'Etat à Saint-Hilaire-du-Harcouët.

Les élus de Moulines réclamaient aussi à titre d'essai que trois trains soient maintenus le mercredi matin, plus une halte à Longueraie, demande ayant déjà fait l'objet d'une pétition, les habitants de ce hameau (sur les hauts de Lapenty) ayant presque deux km à faire pedibus en arrière pour retrouver la gare de Moulines, de plus faiblement éclairée au pétrole l'hiver. Il y avait trois classes de voyageurs, et ceux qui venaient sur le marché du mercredi devaient déclarer leurs marchandises. La foule des voyageurs était telle que parfois certains s'entassaient dans le fourgon. Le train véhiculait aussi des marchandises, et notamment à l'approche de l'hiver un plein wagon de charbon destiné au château du Bois-Ferrand !

Tout ça se passait, on l'a vu, à un " train " de sénateur : dans les côtes, les passagers étaient parfois amenés à descendre pour soulager l'ensemble, l'accompagner en marchant, et remonter dedans ensuite. Les garnements faisaient aussi des " niques " aux filles dont ils balançaient par la fenêtre les " sacotins "... quitte pour les donzelles, de descendre les chercher en courant et remonter dans le train.

Cette fausse sécurité amena sans doute l'accident mortel, le seul que nous ayons retrouvé dans les archives de la presse locale. En mars 1928, le chef de train, Henri Rougerie, 34 ans, de Landivy avait subitement disparu à la halte de Savigny. On retrouva son corps écrasé en gare de Moulines, tombé sans doute (car l'accident n'eut pas de témoin) quand, entre deux voitures, il glissa au célèbre coup de sifflet ponctué du sonore " en voiture, attention au départ, fermez les portières ! " Le chauffeur interrogé après coup se souvenant avoir perçu un petit choc " comme si les roues avaient écrasé des petits cailloux ! ".

Après la Grande Guerre , hausse du charbon aidant, mais aussi du fait des nouvelles lois sociales (journées de 8 h), tous ces petits trains entrèrent en déficit, concurrencés également par la politique rail-route de la SNCF fondée en 1938. Dès décembre 1932, les élus de Moulines s'alarmaient déjà des projets de suppression : il y avait du déficit, 10% de trafic en moins, malgré une tentative de réorganisation (moins d'employés). Mais surtout il fallait aussi combattre les menées du chef-lieu qui voulait reprendre l'emprise des terrains pour y construire le boulevard périphérique. La ligne Saint-Hilaire-Landivy ferma donc officiellement le 16 septembre 1939, fut déclassée en 1941, et définitivement enterrée en 1943 quand ses terrains furent vendus après qu'un moment, la municipalité ait projeté de propulser le cimetière à la gare ! Elle précéda de peu deux lignes similaires dans le Sud-Manche datant toutes deux de 1901 : Avranches-Saint-James qui ferma en 1942, et Pontorson-le Mont-Saint-Michel, en 1949.

En 1913, sous la municipalité Honoré Leprieur (1911-1944) et selon le rapport de l'instituteur, il y avait à Moulines 382 habitants (302 en 1990 !). Les nouveautés recensées étaient 4 routes (empruntées par 20 voitures hippomobiles… et trois vélos !) construites depuis 1870, dans une commune traversée depuis 1909 par le chemin de fer, mais où le trafic de la gare était déjà presque nul. L'école avait été construite en 1870 où sœur Sidonie Planté inculquait seule les rudiments à près de 160 élèves.

La guerre de 1914 fait 11 morts, Moulines dès le 10 août, sans doute dans le souvenir des Uhlans signalés en 1870 aux portes de Laval, créant une garde municipale équipée de fusils de chasse ! Suite à la mobilisation il n’y a plus que 5 conseillers dont Victor Prével qui assume les fonctions de maire. En 1920 (290 habitants pour 102 habitations), la modernisation est là : le tram passe tous les jours, le téléphone arrive (1928), et même l’électricité (1936) qui fait néanmoins peur à certains. Le châtelain la refuse chez lui, par peur des incendies, tout comme dans les granges de ses fermiers !

Toute cette période, comme partout ailleurs, est marquée par l’ébullition de la crise des bouilleurs de cru. Dès 1916, le conseil avait été titillé par le préfet pour trouver un endroit où distiller, les élus avaient botté en touche, débordés par une grosse année de patates ! Mais en 1932, sous la pression des cultivateurs, on demande la création d’un atelier à la Douve des Landes, près du Douet-Allan. En 1935 les élus se prononcent pour le régime forfaitaire " qu’ils ne considèrent d’ailleurs que comme une étape vers la liberté complète, comme en 1906 ". Ils signalent d’ailleurs la difficulté du forfait : les répartiteurs (des conseillers municipaux, eux-même ruraux et souvent bouilleurs) n’ont aucun moyen de contrôle, et pointent d’ailleurs les erreurs des listes de la Régie… encombrées de bouilleurs décédés ! Les taxes arrivent à faire 6 fois la valeur du produit et c’est l’anarchie complète : en 1937 le conseil est condamné en appel pour avoir indûment logé à Moulines, un bouilleur de Saint-Hilaire-du-Harcouët ! Malgré tout, on ne va pas comme dans certaines communes voisines, jusqu’à démissionner en bloc, et en 1941, il faut même, face à la demande, créer un second atelier de distillation à la Gonfresne, preuve que ce n’est pas la pomme qui manque par ici.

En pleine guerre (27-11-43) décède Honoré Leprieur, maire depuis 1911. Lui succèdent Victor Chancé (14-01-1944), Louis Auguste Gaudin de Villaine en juillet 1944 par ordonnance préfectorale, puis René Leprieur (1945-1947). La petite commune a vu un avion allemand tomber à la Motte, mais surtout une Libération laborieuse l’été 44. Au soir du 3 août c’est l’arrivée des GI’s, menacés du retour des Allemands pendant la bataille de Mortain qui suit du 7 au 14 août. Les habitants sont réquisitionnés pour emmener des munitions au Mesnil-Tôve où les Allemands ont percé. Tous les moyens sont bons pour soustraire les chevaux : poils des pattes grillés pour simuler la pelade, chevilles de bois dans le sabot pour faire boiter.

L’après-guerre est marqué par des municipalités stables. Pascal Chéron (1947-1977) et son adjoint Raymond Picaud s’attellent au grand chantier du chemin rural de la Corbinière, entrent dans la voie intercommunale pour l’eau (1959), le ramassage scolaire (1966), mais désirent conserver leur autonomie dans le regroupement de communes (1974). C’est une autre époque dont les vieux habitants conservent le souvenir : l’arrivée du Père Janvier (2 novembre 1947), les Fêtes-Dieu et les nombreux reposoirs (au château où on s’approvisionnait en fleurs, aux écoles du haut et du bas, à la Croix-Hautonne) jusque dans les années 55-56, la fameuse machine à laver le linge achetée par 6 familles et qui passait chaque semaine de mains en mains (la Cuma avant l’heure). Il y avait encore à Moulines des comices agricoles (jusqu’en 1969), des concours hippiques au château (1976), et même un éphémère syndicat d’élevage entre 1951 et 1964 lequel, sur une idée de René Leprieur et Fernand Vaudour avait établi à la Hautonne chez Marcel Genevée, un petit paradis pour les taureaux de race normande. Les anciens se souviennent encore avec émotion de " Mage ", " Diamant ", et d’un " Gamin de Paris " qui loin de pousser la romance donnait plutôt de la corne et du pied !

La municipalité Victor Lair (1977-1990) vit la création par Madame Berthe James du club de l’amitié et l’année suivante l’arrivée de la nouvelle secrétaire de mairie Claudine Jéglot toute impressionnée : " en plein hiver, sous les grands arbres, c’était plus que lugubre ". Le temps de s’habituer (jusqu’en 2003 !) elle vit donc les débuts des échanges amiables de terrains et le premier lotissement (1978), les préparatifs du 900ème anniversaire (et du char " le moulin à eau "), et une grande année 1985 avec adhésion au P.O.S. (Plan d’Occupation des Sols), projet d’aménagement de la salle communale et agrandissement de la mairie. Gravement malade, Victor Lair, par fidélité à sa vocation première, retrouvait les gestes du charron d’autrefois en 1988, avant de décéder deux ans plus tard et passer la main à Michel Mancel (1990-20...).

En fin d’année 90, la petite commune voyait se fermer son dernier commerce avec le café de Mme Gobé, dernière d’une longue liste : Christian Gougeon, Henri Ronceveaux, Pierre Blondel, Roger Chesneau, Hilarion Prime, Auguste Restoux. Juste hommage, le court de tennis en 1991 prenait le nom de "Victor Lair" juste avant la fin des travaux d’un remembrement décidé en 1987, et l’adhésion (1993) à la Communauté de Communes.

Largement réélu en 1995, 2001 et 2008 assisté d’André Laisné puis Georges Loyer, Gisèle Grasset et Daniel Mondher comme adjoints, Michel Mancel, fit étendre la salle polyvalente (2003), effaça les réseaux (2008), mais vit aussi disparaître deux figures de la vie locale. Le colonel de Villaine en 1997, et le curé Janvier, quasiment à la tâche en 2005, un dimanche matin où les paroissiens fidèles trouvaient curieux qu’il fût en retard à l’office.

En 2010 (309 habitants), le club de l’amitié présidé par Yvette Gohin fêtait ses 33 ans, on transférait la mairie dans l’ancien presbytère. Il y restait 10 exploitations bien restructurées avec voiries et accès, plusieurs artisans, et sur le plan associatif une section de gymnastique (présidente Claudine Lair) et des Anciens Combattants (président Armand Cousin), organisateurs des thés dansants, concours de belote et des vide-greniers.

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" En 20 ans, expliquait Michel Mancel, on est passés de 290 à 309 habitants ceci dû à l’attractivité du passage proche de la RD 976 et de la proximité de Saint-Hilaire-du-Harcouët où nous scolarisons à 99 %. Nous avons des taxes modérées, et on met l’accent sur le logement individuel. Le dernier gros chantier, le presbytère transformé en mairie, s’imposait pour maintenir le patrimoine, tout en étant mieux situé et plus fonctionnel ".

 

L’église

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Sous le patronage de saint Martin cette église est en partie du XVe siècle et pour la chapelle méridionale du XVIIe siècle, sa situation particulière (l'abbé de Savigny étant présentateur et bénéficiaire de deux tiers des dîmes) n'ayant pas permis aux seigneurs locaux de s'y investir trop. On y voit à droite de l'autel une statue en bois de saint Eloi du XVIIIe siècle, et dans le transept, une Vierge à l'enfant de la même époque. La grande toile du Christ au jardin des oliviers, fut un don mi-XIXe siècle de l’impératrice Eugénie de Montijo de la même manière qu’à Milly, lors de son passage dans la région. La cloche, offerte en 1752, par Guillaume Liégeart prieur de Savigny fut cassée à Pâques 1886 et on dut lancer une souscription pour en faire une nouvelle… que le clocher, plus assez solide ne put supporter sans consolidation. Elle fut donc un temps installée sur un bâti de bois dit " poulailler ", avant de nouvelles réparations autour de 1930 qui virent le beffroi perdre sa toiture pointue. Juste en face, coupé du cimetière par un chemin où passa une quarantaine d’années l’ancienne ligne du tramway, on trouve le presbytère, construit en 1772 par le curé Julien Almin, récemment transformé en mairie inaugurée le 27 novembre 2010.

 

Autres curiosités

 

Outre le Bois-Ferrand (dont nous parlons par ailleurs), le Château-Corbin dans le bourg à la Hautonne montre encore un joli pavillon, et l’on discerne encore bien ses anciens fossés.

Il n’y a plus de manoir, et seulement une belle sculpture en tuffeau blanc venant de Savigny à la ferme du Bois-Bunon, une des deux grandes vavassories avec le Bois-Allain que l’on trouvait sur la paroisse, en dehors du fief du Bois-Ferrand. Le Bois-Bunon regroupait treize aînesses : la Doustière, la Bretonnière, la Ridelière, le Douet-Allant, etc.

Malgré tous les efforts des sieurs de Moulines (les moines de Savigny faisant obstruction), la paroisse n’obtint un semblant d’unité qu’à partir de 1718 sous les de Vauborel, dépossédés ensuite à la Révolution et réfugiés à Bion. Le Bois-Allain, était la maison en 1792 de Germain Boré, procureur du Roi au quart-bouillon de Mortain.

Il faut aussi noter et ne pas confondre avec le Château-Corbin précité, les jolis restes médiévaux à la Corbinière, petite place forte anglaise pendant la guerre de Cent Ans, faisant pendant avec ses sept tourelles, aujourd’hui disparues, au château de la Chaize sur les Loges-Marchis. Il y a encore des fenêtres à meneaux, et couronnant le linteau, les trois plumets des princes de Galles.

 

Les écoles

 

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Comme partout, avant la Révolution, il y eut sûrement une école aux mains du vicaire, sans doute proche de l’église, mais sans qu’on en ait gardé trace. On sait par les archives communales que le sous-préfet en 1833 demanda l’étude d’un projet d’école primaire laïque, laquelle, en 1871 se trouvait juste derrière l’église, puis s’établit ensuite à partir de 1876 sur un terrain donné par Mlle de Sainte-Marie de Mortain. Elle ferma dans les années 20, l’institutrice laïque (pourtant grande pratiquante !) n’y accueillant quasiment que ses propres enfants… nombreux il est vrai : 13 ! Longtemps désaffecté, ce bâtiment accueillit du théâtre, et jouxtant 40 ans la mairie. Ces difficultés de l’école laïque s’expliquant par l’emprise de la cure et du château sur la population en pleine " guerre scolaire ", née de la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905-1906.

L’école privée avait débuté en 1870 (sœur Sidonie Planté avec 160 élèves) sur des terrains donnés par la famille Gaudin de Villaine… devenus biens d’Etat en 1905 ! il fallut donc déménager. Le curé Plantais, averti, avait pu dès 1903 disposer de nouveaux terrains plus haut dans le bourg achetés par le colonel de Villaine, et même ouvrir une nouvelle classe en 1913. Cette école N.D. de Pontmain eut comme première institutrice en 1904 Jeanne Prodhomme (sœur Saint-Symphorien en religion) dont la féroce discipline était renommée, et qui tint les rênes de l’école jusqu’en 1938 (décédée en 1942). Cette école alors dirigée par sœur Irénée a fermé définitivement en juin 1989, après avoir formé des générations de jeunes gens de Moulines.

 

Le château du Bois-Ferrand

 

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C'est un ancien manoir du XVIIIe siècle auquel ont été ajoutées des ailes en 1820. L'ensemble est de vieille origine, la première dédicace de la chapelle étant antérieure à l'An Mil, et sur ses ruines il en fut édifié une nouvelle au XIIIe siècle dont deux panneaux de boiseries proviennent, pour partie de Savigny tout proche. Il fut au départ aux sieurs du Bois-Ferrand, puis aux du Hamel (branche aînée d'une famille que l'on retrouve aussi à Milly), et à la famille de Vauborel qui tenait Saint-Symphorien-des-Monts et Lapenty. Enfin aux Gaudin, vieille famille de l'Avranchin, le premier fut cité en 1221 comme témoin d'une donation à l'église des Chéris. Ces Gaudin, d'abord du Plessis, sieurs de la Godefroy, près d'Avranches, étaient d’une famille anoblie en 1427 pour sa belle participation à la défense de l'Avranchin contre les Anglais, à la fin de la guerre de Cent Ans. Une famille qui devint " de Villaine ", en 1705 par alliance aux Tesson dont l'épouse était née de Ponthaud, dame de Villaine, sieurs donc au XVIIIe siècle du Bois-Ferrand, du Mesnil-Boeufs, de Moulines et de Saint-Jean-du-Corail. Deux de leurs ancêtres méritent d'être mentionnés ici :

Auguste Camille Gaudin de Villaine, né au Bois-Ferrand le 24 avril 1851, lequel, en 1904 à 54 ans, fut un des plus jeunes généraux de France. Saint-Cyrien à 18 ans, sous-lieutenant au 3ème régiment de cuirassiers, il fut un des héros de la célèbre charge de Reischoffen, où il fut d'ailleurs laissé pour mort et fait prisonnier. Lauréat de l'école de guerre il fut ensuite attaché militaire en Suède, colonel commandant du 12ème dragons dans l'Est de la France.

Autre officier de haut vol, Sylvain Gaudin de Villaine (né en 1852 au Bois-Ferrand, décédé en 1938), fut maire de Saint-Jean-du-Corail en 1881, conseiller général du canton de Mortain en 1883, député en 1885, sénateur en 1906, 1920, 1924.

Actuellement on regarde surtout la grande bâtisse, forte de 67 pièces, vaste ensemble qui mi-XIXe siècle, possédait orangerie, communs, château d'eau, jardins immenses faits sur les plans de ceux de l'abbaye de Savigny. Il est toujours dans la famille Gaudin de Villaine qui a donné à la France comme on l’a vu plus haut, plusieurs militaires de haut rang, un parlementaire...

A sa grande époque dans les années 20, le château employait, en fond de maison, deux cuisinières, trois femmes de chambre, un cocher, deux jardiniers (souvent aidés de journaliers), trois-quatre personnes à la ferme contiguë. Cinq fermes, outre celle du château, entraient dans le domaine, les fermiers devant : les impôts fonciers, les assurances, 4 journées de travail au château (une pour le bois, une pour le charbon qui arrivait par le tram en gare de Moulines), plus quelques dons en nature comme 4 chapons gras, 6 poulets, et 500 kg de paille pour les écuries.

Le père de l’actuel propriétaire, Louis Auguste (1910-1997), engagé au 1er chasseur, fut en mai 40 un des plus jeunes capitaines de France, gravement blessé à la face, à la tête de son escadron motocycliste lors des combats de Furnes en Belgique. Évadé deux fois, il fut maire à la Libération, puis longtemps élu local, et toujours fidèle à sa passion pour la filière équestre faisant disputer de nombreux concours complets d'équitation sous les frondaisons du parc. Certains des plus grands cavaliers, au niveau national, tel André Legoupil, médaillé aux J.O. de Mexico, y dressèrent leurs chevaux. L’atavisme familial perdure encore, l'actuel propriétaire étant juge de haut niveau en attelages, ce fils étant lui-même meneur.

Sur le plan militaire, Moulines, à de nombreuses reprises dans l'histoire, fut le lieu de combats. Durant la Guerre de Cent Ans ce fut une frontière puis, plus près de nous en fin 1793 la garde nationale de Mortain y tendit une embuscade contre la queue d'une colonne de l'armée vendéenne en repli sur la forêt de Fougères, allant vers la tragédie de Savenay qui fit plus de 15 000 victimes. La toponymie en a gardé trace : côte de la Bataille, champ dit de la Fosse où furent enterrés de nombreux républicains. Pendant la dernière guerre le général Rommel en inspection du mur de l'Atlantique s'y est restauré. Lors de la bataille de Mortain des éléments de la SS das Reich, y stationnèrent, menaçant un moment de raser Fougerolles, lieu d’implantation d’un fameux maquis FTP.

Le XIXe siècle y verra le passage d'illustre visiteurs :

  • L’impératrice Eugénie, femme de Napoléon III, y séjourna lors d'un voyage au Mont-Saint-Michel, elle fit don d'un tableau à la paroisse de Moulines.
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  • Le grand écrivain normand Jules Barbey d’Aurevilly, s’y arrêta souvent, y écrivant plusieurs chapitres de son fameux " Chevalier Destouches " dont une grande partie de l’action se déroule dans l’Avranchin et plus particulièrement au Bois Frelon (le Bois-Ferrand).
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  • Au début de ce XXIe siècle, le Bois-Ferrand a reçu, entre autres, un Archiduc de la Maison d'Autriche, continuant ainsi son rôle d’accueil.
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Tout un monde au château du Boisferrand

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Un domaine comme celui du Bois Ferrand abritait beaucoup de monde : les châtelains et leur famille bien sûr mais aussi le nombreux personnel à leur service, à savoir les cuisinières, femmes de chambre, lingères, gouvernante tout comme aussi, le cocher, le palefrenier, les charretiers, et les jardiniers. Le potager approvisionnant au quotidien les habitants du château et leur domesticité en fruits et légumes frais, sans oublier les journaliers et les fermiers qui venaient de temps en temps pour les corvées. Le bail stipulait en effet, l'obligation de donner, en général 4 journées de corvées pour le bois notamment et pour le charbon qui arrivait par le tram au bourg de Moulines. Une autre clause du bail prévoyait la fourniture de denrées telles que chapons gras, poulets (au nombre de 4 ou 6 par an) du grain pour les volailles et de la paille pour les écuries ( 500 kg ).

La période de l’entre deux guerres fut certainement la plus dense et la plus riche en événements de toutes sortes au château du Bois Ferrand si l’on se rapporte au nombre de personnes employées l’été surtout (la résidence d’hiver étant à Paris pendant des années) qui se situait aux alentours de 40, le maximum ayant été de 47.

C’est qu’en effet, avec la saison estivale, toute la famille prenait ses quartiers d’été au Bois Ferrand, les filles de Madame la Générale arrivaient non seulement avec leurs époux et les enfants, mais aussi, chacune avec sa cuisinière et sa femme de chambre. Les fils quant à eux déboulaient avec femme et enfants mais accompagnés, qui du cocher et des femmes de chambre, qui du maître d’hôtel.

C’est peu dire si l’animation qui régnait dans l’enceinte du château, mais aussi dans le bourg, était importante car tout ce monde-là allait et venait à toute heure du jour, tant pour le ravitaillement que pour la maintenance et les corvées.

Adrien Gaudin de Villaine, actuel propriétaire et occupant du château se plaît à évoquer ces époques marquantes où la vie au château, avec tous les participants à quelque niveau que ce fut, était véritablement une source d'activités fécondes. Chacun avait sa place, chacun avait sa personnalité, son bon ou mauvais caractère, son savoir-faire. Certains, leur vie bien remplie s’en sont allés et se confondent à la masse des gens de l’ombre.

Par contre, il en est qui ont marqué leur passage et ont laissé leur empreinte. Adrien se souvient parfaitement de noms souvent évoqués et garde en mémoire certains visages. Il parle avec beaucoup de respect et d’émotion :

- d’un certain Martin Picaud qui avait été, à l’armée, aide de camp de son grand-père et qui, le service terminé, est venu travailler au château et ne l’a plus quitté. Son dévouement et son attachement furent tels qu’il devint un membre de la famille à part entière et qu’à son décès, tout le château porta le deuil pendant un an. Son fils, Raymond, devint maire adjoint de la commune.

des sept générations de Lepeltier qui se sont succédé au château, distinguées comme charretiers hors pair. Il relate leur compétence à mener les chevaux de trait, à les maintenir sous leur coupe et à les faire obéir, non seulement à la voix mais au claquement de fouet. Et de se remémorer les abattages d’arbres où 2 ou 3 chevaux étaient nécessaires pour tirer l’arbre, scié à sa base, de manière à ce qu’il tombe du bon côté. Gare aux accidents !

Mais la plus belle prouesse, ce fut, sans aucun doute celle d’Édouard, aux prises avec sept chevaux, tous en ligne pour tirer, tendus sur leurs traits mais sans qu’aucun ne bouge avant le claquement de fouet du maître. Un vrai travail d’artiste ! Le dernier de cette lignée, Fernand, a quitté la Blanchais au début des années 80.

- de Marcel Genevée (père de Maurice) qui avait lui, comme nul autre pareil l’art de pouliner une jument, de rouler une délivrance et faire en sorte qu’il n’y ait pas de problèmes ni d’infection. Lui aussi, savait mettre les bêtes en confiance, et s’il était là, tout se passait bien.

- de Gandanger, le dernier maître d’hôtel ( son dernier repas fut servi lors de la profession de foi de Monsieur Adrien et de sa sœur, le 2 mai 1971 ). Quand il se présenta à l’embauche, Madame lui fit remarquer que tous les maîtres d’hôtel s’étaient appelés François, et que lui aussi, par conséquent répondrait au nom de  François, de sorte que personne n’a jamais vraiment connu son vrai prénom.

- Puis aussi, de Blanche Dubois gouvernante dans les années 30. Comme beaucoup, elle n’était là que l’été mais son seul prénom est évocateur d’une personne stylée et compétente. Sa particularité ? Outre la gouvernance, Blanche occupait son temps libre à la restauration des tapis. Son mari ( décédé jeune ) et son beau-père étaient tisserands ce qui peut expliquer sa dextérité à manier les fils et à refaire (ou presque) du neuf avec du vieux !

La liste pourrait être plus longue encore car il en est passé du monde au château… mais s’il est une conclusion à tout cela, comme nous le rappelle Adrien : c’est que tous ces gens formaient une grande famille où le fils remplaçait le père, et où la fille remplaçait la mère, et cela pendant plusieurs générations. Au château, des mariages se faisaient et c’est ainsi qu’on trouvait des couples où le mari était jardinier et la femme lingère par exemple, et où le mari était chauffeur (entendez celui qui entretenait le feu dans la chaudière) et son épouse cuisinière. Dans le cas présent, une chambre leur avait été aménagée, entre la chaufferie et la cuisine, on pouvait recharger même la nuit !

Au château, on y mangeait bien aussi, et la convivialité régnait autour de la grande table de l’office, mais par contre, dans les contrats, il était bien spécifié qu’on ne pouvait servir de saumon qu’une fois la semaine au personnel et que le plat ne pouvait être resservi. Il faut croire que nos rivières étaient poissonneuses alors …

 

Les " Touchoux " d’ vaches

 

Jusqu’à une époque, pas si lointaine, le commerce des bestiaux se faisait essentiellement au marché ou sur les foires. Les marchands de vaches, de cochons, de chevaux étaient alors nombreux – n’oublions pas que nos vertes prairies étaient propices à l’élevage.

S’il en est un qui se souvient de cette époque, c’est bien Raymond Gougeon de la Morissais. Né en décembre 1928, il a baigné dans cette ambiance puisque son père était cultivateur et marchand de bestiaux, et des souvenirs, il en a… des bons comme des moins agréables.

Tout jeune, ce fut l’école, comme tous les autres enfants au bourg de Moulines, mais de retour à la maison, c’était le quotidien des enfants de la campagne, il fallait donner un coup de main aux travaux. C’était aussi bien les volailles, que le bois, les foins, les récoltes de pommes, et les bestiaux qu’il fallait traire, changer de pré, sans oublier les litières et les vêlages. Là où il y avait besoin, on faisait appel aux gamins !

A cette époque, bien sûr, pas de tracteurs ni de bétaillères. Les déplacements d’animaux se faisaient à pied et tous ceux de sa génération se rappellent des troupeaux de vaches que l’on voyait sur les routes en direction des marchés et des foires, comme celles de la Saint-Georges, de la Saint-Michel ou de la Saint-Martin.

Pour encadrer ces convois, et éviter que les vaches ne rentrent dans les champs sur le parcours, on faisait appel à ces meneurs de troupeaux qu’on appelait des " toucheux " ou localement des " touchoux d’vaches " parce que le bâton ou l’aiguillon qu’ils avaient toujours avec eux s’appelait " une touche ". Ces gars-là en faisaient des kilomètres, 16 kilomètres par exemple pour aller au Teilleul à la foire Saint-Georges au printemps. Quand ils rentraient de leurs périples, ils ne songeaient pas à faire un footing…

Justement, à propos de la foire Saint-Georges, Raymond n’est pas près d’oublier celle de ses 17 ans, l’âge de s’amuser et de faire la fête avec ses copains, ce qu’il a fait, avec l’autorisation des parents, à condition de rentrer tôt car il fallait mener les bêtes le lendemain à la foire. Mais quand on est parti, on est parti et notre brave garçon est rentré sur… les 2 heures du matin, en se faisant le plus discret possible. Mais, raté car la mère qui ne pouvait dormir l’attendait, pas commode du tout : " ah, mon gaillard, c’est maintenant que tu rentres, ben, va te laver et te changer car c’est pas la peine de te coucher ". Il était un peu penaud notre Raymond, mais il fallut s’exécuter et partir avec les bêtes, à pied et se taper les 16 kilomètres. Comme dit la chanson : un kilomètre à pied, ça use, ça use... un kilomètre à pied, ça use les souliers… Peut-être, mais pas que les souliers.

Sur le trajet, sa seule obsession était : " pourvu qu’on vende tout " sinon c’était retour à pied. Heureusement, tout fut vendu et il put rentrer en carriole. Une affaire comme celle là, ça vous dresse un bonhomme !

Mais la ferme, dans notre région, c’était aussi " la goutte " bien sûr et là encore, il se souvient. Son oncle était curé. Rien d’extraordinaire alors qu’on entretienne les meilleures relations avec les religieuses de Moulines. L’une d’entre elles, Sœur Cyprienne n’hésitait pas à recourir à la famille Gougeon pour profiter de la carriole pour ses déplacements. Un jour, devant se rendre aux Loges-Marchis, elle s’adressa à la Mère Gougeon, laquelle lui dit oui, comme d’habitude, mais cette fois, il faudra passer par Saint-Hilaire-du-Harcouët d’abord pour faire une livraison. Et la livraison, c’était de la goutte destinée à un bistrotier. Après être allé chercher Sœur Cyprienne au bourg, Raymond revint à la maison pour charger un barricot de 50 litres de calva sous le siège, puis on installa notre passagère. Avec ses grandes jupes, ni vu ni connu. Pour sûr, personne n’aurait songé à lever les cotillons d’une bonne sœur. La grande vadrouille avant l’heure quoi !

Avec Raymond, le temps passe vite, il est temps de se quitter pour d’autres rencontres. Ah, mais, il faut que je vous dise encore : " Chez nous, je me rappelle bien qu’ il y avait un rouet, des bobines et puis un métier à tisser aussi. Un métier à tisser ? Oui pour faire des toiles de chanvre et de lin ". Il ne se rappelle plus bien, ce devait être une tradition familiale, mais qui s’est vite perdue. Il ne reste plus que le rouet à présent, pour la décoration . " 

Et puis, j’ai oublié de vous dire que dans les années 1900, il y avait 11 feux au village de la Morissais et qu’on y comptait un coiffeur-barbier, un boucher, un tisserand, un charron, un sabotier et une flopée de gamins car des familles nombreuses, il y en avait à cette époque !".

 

Cette fois, Raymond, je m’en vais, mais si vous en retrouvez d’autres, des souvenirs, faites-moi signe : la mémoire vivante, c’est ça.

 

 

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